Recadrage par rapport aux débats sur Linux et Windows

Je parcours régulièrement les sites informatiques et constate une recrudescence d’un dénigrement du système d’exploitation Libre Linux et du logiciel libre en général.

Les « articles » titrent par exemple « Linux vs Windows ». Je suis assez soufflé par les arguments choisis et l’ampleur de la mauvaise foi, sans parler des commentaires laissés par les lecteurs de ces articles qui parfois sont de véritables perles. On peut ainsi lire « Tu n’as même pas Google chrome installé par défaut sur Linux comme sur Windows ! ». Sachant que « Google chrome » n’a jamais été fourni avec Windows, c’est épatant ! Lorsqu’on sait que suite aux nombreux déboires de son navigateur internet « Microsoft Edge », Microsoft a pris la décision de le refaire entièrement en prenant pour base « Chromium » un navigateur libre, on pouffe de rire ! Et, que dire des commentaires « Linux c’est de la merde ! » ? Sentez-vous toute la force de l’argumentation ?

Reprenons les choses calmement. Le point de départ du logiciel libre et de Linux, c’est la création du noyau Linux par Linus Torvalds en 1991. Il travaille alors sur le système d’exploitation Unix qui, comme tout système commercial ne peut pas être modifié selon ses propres besoins. Torvalds n’a pas accès au « code source » d’Unix. Il décide de réécrire une sorte d’Unix non commercial et de donner le code source, c’est Linux ! C’est également la naissance de licences d’utilisation spécifiques pour le système d’exploitation mais aussi pour des logiciels. On parle d’« open source » ou de licence « libres ». Pour exemple, le navigateur internet Firefox entre dans cette catégorie de logiciel. La caractéristique principale du logiciel libre, c’est l’accès au code source ! Que fait réellement le logiciel ? Contient-il un programme de récupération des données ? Etc…. Il est donc possible de savoir ce qu’il y a dans le moteur et même de le modifier ! Il s’agit donc d’une philosophie très différente de celle de Microsoft. Vous pouvez télécharger gratuitement et légalement une distribution Linux comme « Linux Mint » et l’installer sur votre ordinateur sans vous acquitter d’une licence d’utilisation, ni contrepartie. Un « copyright » spécifique a pour particularité qu’il est interdit de vendre un « Linux mint » ou un pack office (traitement de texte, tableur, etc) comme « LibreOffice ». Attention toutefois, logiciel libre ne veut pas forcément dire gratuit.

Dans les faits, Linux est rapidement devenu un immense succès. Grâce notamment à des distributions Linux type « Debian » pour les serveurs. Ce que le commun des mortels ne sait pas, c’est q’une très grande partie des serveurs Web et des serveurs de fichiers dans le monde sont des Linux. Globalement, la part du « libre » ne cesse de croître dans l’univers professionnel et dans l’industrie pour une raison évidente, la maîtrise des produits et la non dépendance à un éditeur de logiciels. Les équipements informatiques comme les box internet sont également sous Linux. Tous les smartphone Android (Google) utilisent le noyau Linux de Torvalds. Google y ajoute une interface graphique et des applications non libres. C’est pourquoi Android ne peut pas, au final, être considéré comme « Libre ».

Concernant Windows, il faut noter et préciser l’évolution apporté par Microsoft à son système d’exploitation Windows à partir de Windows 8. La récupération des données utilisateurs est devenue la principale ressource financière pour les géants de l’informatique. En effet nos données personnelles valent de l’or. Le tournant pris par Microsoft avec Windows 8 consiste à forcer les utilisateurs à créer un compte Microsoft lors de l’installation, de la mise en route du système. Ce compte Microsoft est également votre identifiant unique publicitaire. L’idée est de capter un maximum de données utilisateurs et de pouvoir les affecter à un individu précis. L’autre idée de Microsoft est de garder le pouvoir absolu sur votre ordinateur. Microsoft doit pouvoir faire évoluer un Windows selon ses propres besoins. Pour y parvenir, il verrouille son système afin que les mises à jours ne puissent pas être déactivées. Les utilisateurs n’appréciant pas les transformations intempestives de Windows, Microsoft décide de ne plus changer son nom. le système est régulièrement changé en profondeur mais il garde le même nom, Windows 10.

Imaginez, vous montez dans votre voiture pour aller au travail, vous tournez la clef de contact et un message vous informe « Mise à jour en cours, veuillez patienter et ne pas arrêter votre véhicule ! » Au final, vous disposez de plusieurs « options » supplémentaires sur votre voiture. Elle n’est plus la même et vous n’avez rien à y redire. Si cette mise à jour est à l’origine de dysfonctionnements, c’est votre problème ! Ce qui pourrait paraître inacceptable pour d’autres produits est devenu la norme pour Microsoft. Vous n’êtes pas véritablement administrateur de votre système Windows.

Je résume, vous achetez un ordinateur avec Windows 10 préinstallé. Ainsi, vous vous acquittez d’une licence d’utilisation par un procédé de vente liée (matériel + licence), ce qui est illégal selon la loi française. En achetant ce produit, vous devenez le produit de Microsoft au travers de la vente de vos données personnelles. De plus vous n’avez aucun moyen d’échapper à la volonté de Microsoft de transformer son produit, ni possibilité de savoir véritablement ce que votre Windows fait.

Nombreux utilisateurs ne sont pas choqués par ces procédés de récupération de leurs données personnelles targuant qu’ils n’ont rien à cacher ! C’est oublier un peu vite que tout savoir sur tout le monde, c’est le pouvoir absolu. Pour ceux qui ont suivi l’affaire « Cambridge Analytica », la chose est évidente. Cette société en exploitant les données personnelles de dizaines de millions de comptes Facebook a pu mener une campagne électorale hyper ciblée et personnalisée en faveur de Trump. La récupération des données personnelles, couplée à des algorithmes informatiques permet d’atteindre un degré de manipulation des masses jamais égalé dans l’histoire et pourrait enterrer définitivement toute idée démocratique.

Consommer est un acte politique. Nos choix de consommation créent la société dans laquelle nous vivons. Même en ayant cette conscience, même en essayant de consommer intelligemment, nous avons tous nos propres incohérences. Il est absurde de jeter la pierre à celui qui ne fait pas le bon choix sur tel ou tel achat / consommation. Il faut simplement prendre conscience de l’impact de nos choix et tenter de s’améliorer.

Vaut-il mieux acheter une petite voiture électrique pour quelques kilomètres journaliers ou une énorme voiture style « Hummer » avec ses 3,5 tonnes et 22 litres de consommation au 100 ? Vaut-il mieux acheter du poulet bio élevé en plein air dans une petite ferme à côté de chez vous ou commander des plats préparés et livrés chez vous par « Deliveroo » ? Vaut-il mieux utiliser Linux à la place de Windows ? C’est sans appel ! Il y a des évidences ! Pourtant il est compréhensible que la plupart des particuliers utilisent Windows. Il est compliqué de s’équiper en Linux pour un néophyte. En effet, ce système d’exploitation n’est généralement pas proposé dans les commerces. C’est à nous, informaticiens, de proposer cette voie.

En réalité, il n’y a aucun débat à avoir tellement c’est évident. Linux, en proposant un développement collaboratif et international fondé sur l’idée de partage et de transparence est le choix le plus judicieux. On a le droit de rouler en Hummer, de commander tous les soirs des plats « Deliveroo », d’adorer son Windows, etc. Et certainement que personne n’a à juger ces choix. Par contre, faire un article pour dénigrer Linux et encenser Windows en tronquant les faits, c’est comme soutenir que commander son repas chez « Deliveroo », c’est mieux que d’acheter un poulet bio à la ferme du coin parce que c’est plus facile ! Comment dire, là vous touchez le fond ! C’est d’autant plus inacceptable lorsque le message est délivré par des informaticiens qui forcément disposent d’un minimum de culture informatique.

En conclusion, amis lecteurs, sachez qu’il est possible d’acheter des ordinateurs (Unité centrale ou portable ) neufs, parfaitement compatibles Linux et ceci sans licence Windows. Le fabricant d’ordinateurs Dell fourni des portables avec une version de Linux « Ubuntu ». Chez LDLC, on peut également acheter des portables sans licence Windows. Et si vous n’avez pas la possibilité d’installer vous-même une des versions les plus plébiscitées de Linux comme « Linux Mint » ou « Xubuntu », il suffit de trouver un technicien en informatique pour le faire.

Alain Chassat