Les dangers d'un système (OS) unique sur nos PC

Si nos ordinateurs ne fonctionnent que sur un seul système d'exploitation unique, est-ce un avantage en terme de confort ou un risque global pour nos libertés... Voir pire ?

À priori, retrouver systématiquement un même environnement de travail sur son écran d'ordinateur est une facilité que tout le monde appréciera. D'autant plus que beaucoup d'entre-nous ont souffert pour maîtriser cette fichue souris et ces fichues icônes.
Le vendeur vous ventera les qualités de la machine et supposera que vous connaissez les "Windows" qui apparaissent sur l'écran, lui facilitant son travail commercial.
Le monde des applications n'est pas en reste, et là encore on aimera retrouver nos programmes habituels.

Vous l'avez compris, nos ordinateurs tournent pour la plupart grâce à Microsoft Windows (exceptionnellement avec Mac-OS sur Apple Macintosh) et tout le monde participe à ce que cet écosystème perdure et se renforce.

  • Si on est un peu "fainéant", on va se contenter d'utiliser les outils pré-installer sur la machine... Cool !
  • On va être rassuré de savoir que tous les périphériques achetés seront en mesure de fonctionner sur ce système... Super !
  • On va aussi apprécier de reconnaître le traitement de texte ou le tableur : Word et Excel du même constructeur (que l'on aura acheté à vil prix, ou loué ou même piraté !).
  • Les développeurs de logiciels n'ont qu'une plateforme à maintenir pour leurs programmes, réduisant les coûts de production... Pas mal !
  • Les sociétés de services SSII, n'ont qu'à certifier les techniciens de la compétence MS Windows... Et c'est tout !
  • Les vendeurs n'ont pas à personnaliser une offre informatique en fonction des besoins, ils peuvent se contenter d'avoir 2 ou 3 types de machines au catalogue... C'est plus simple !

Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ...

Pourquoi sentez-vous au creux de vous même, qu'évidemment mon discours ne va pas aller dans ce sens ?
Ah oui ! Vous commencez à me connaître !

Un billet a déjà été écrit sur le sujet de la vente liée, je ne vais pas y revenir, mais je vous invite à le lire ou le relire.

Mon propos va donc se diriger vers d'autres considérations que le vol opéré à chaque vente d'ordinateur.

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1/ Réglementation sur la positon dominante d'un constructeur

Lois anti-trust

Il est difficile de trouver des chiffres précis concernant la position dominante, pour ne pas dire hégémonique de Microsoft.
D'abord une confusion est entretenue en mélangeant tous les systèmes d'exploitation : Android et IOS pour les smartphones et les tablettes, les Unix de tout poil que l'on trouve plutôt sur les serveurs d'entreprises et enfin MS Windows et MacOS que l'on trouve sur nos PC ou stations.

Pourquoi devrai-je faire une distinction sur les postes PC/stations ?

Parce qu'ils sont le cœur de nos systèmes industriels, institutionnels ou privés.

Un smartphone ou une tablette, ça ne sert pratiquement qu'à la consultation.
Un PC sous MS Windows (occasionnellement sous MacOS) va lui, servir à travailler sur la compta de l'entreprise ou le design des produits, ou le pilotage des machines-outils, etc... Nous ne sommes pas du tout dans le même domaine d'application.
Et si le 1er n'est pas très sensible, le second l'est beaucoup plus, car il détient tous les secrets de nos entreprise et de nos institutions.

Les chiffres que je trouve , séparent même les différentes versions de MS Windows, comme s'il s'agissait de systèmes différents... Ils ne le sont pas, dans la mesure où ils font tourner le même écosystème applicatif.
Dans tous les cas ils montrent que MS WIndows, toutes versions confondues, représente : ~88 ou 89% de part de marché mondial (chiffres 2019) sur ce créneau.
Ceci place Microsoft à la limite du couperet de la loi anti-trust.
En 1999 l'administration américaine s'était attaquée à la position dominante de Microsoft. Ce dernier s'en est tiré de justesse et à failli être démantelé comme l'avait été avant lui la société Bell dans le secteur du téléphone.
Aujourd'hui il semblerait très étonnant que cette même administration s'inquiète de l'hégémonie de ses propres entreprises.

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2/ Cas particulier de MS Windows 10

Je vous invite à lire en préambule la page Wikipédia de MS Windows 10 et particulièrement le chapitre sur : "Collecte des données personnelles et confidentialité".
Mais mon propos n'est pas là (pour une fois !).
Ce qui m'interpelle, concernant cette dernière mouture de MS Windows, c'est le changement radical de politique qui lui est appliquée.

MS Windows 10 est né en 2015 de la volonté du nouveau directeur : Satya Nadella qui a voulu créer une cassure nette vis à vis de la politique de son prédécesseur Steve Balmer avec son MS WIndows 8 (à l'interface pénible orientée "tablette" et les résultats financiers très négatifs que cette version a engendrée).

  • D'abord, finies les versions aux noms ou chiffres incompréhensibles, Satya Nadella ne veut qu'une seule et même version : "la 10", quitte à ce que celle-ci change, même profondément au fil des mises à jour (Le W10 découvert au début, n'est plus du tout le même que celui de 2019).
  • Puis, MS W10 va intégré un nombre conséquent de logiciels de collecte. Il va surtout introduire "Cortana", le logiciel de reconnaissance vocale maison. Celui-ci ne peut pas être désactivé du système (!?) Ah ! Pourquoi ?
  • Autre changement radical, et je suis là au cœur du sujet de mon article, les mises à jour sont dorénavant OBLIGATOIRES (!???).

Ceci n'est pas sans poser de nombreux problèmes (rencontrés par votre serviteur). En effet, il ne se passe pas un mois sans que nous ne soyons informé d'un bug majeur sur une m.à j. de W10. Ceci est particulièrement dangereux et je reviendrai sur le sujet.

  • Les dernières moutures commencent à intégrer des écosystèmes propres aux logiciels libres. Cette évolution pourrait être vue d'un bon œil par les aficionados de Linux, mais je ne peux m'empêcher d'y voir un "Free Washing" voir même une tentative sur le long terme d’absorption du logiciel libre. Mais je dois être parano.
  • Le marketing Microsoft est à la manœuvre et le but affiché est que TOUS les PC soient bientôt sous W10.

Satya Nadella veut se débarrasser des anciennes versions de son OS, et de ses concurrents s'il le peut par la même occasion

...

3/ Quels impacts cela peut-il avoir ?

Il y en a plusieurs que je veux vous expliquer ici même.
Ces problèmes seront forcément colossaux du fait même que la grosse majorité des ordinateurs de travail sont sur pratiquement un seul système d'exploitation unique.
"À mettre tous ses œufs dans le même panier..."

/1. Tout d'abord et c'est le moindre problème, le fait d'imposer les mises à jour, empêche de décider à quel moment doivent ce faire celles-ci et il n'est pas rare, vous l'avez déjà constaté, qu'il arrive que vous ne puissiez pas travailler avec votre PC durant de longues minutes, quand ce ne sont pas des heures.
Qui accepterait de voir sa voiture lui annoncer qu'elle fait une mise à jour et que vous devez attendre la fin de celle-ci pour pouvoir partir.
On imagine ça le matin, avant d' aller au travail, en retard évidemment, ou par exemple une ambulance bloquée pour la même raison, ou bien un véhicule en arrêt au milieu de l'autoroute.
Ce serait tout à fait inacceptable. Pourtant combien d'heures de travail sont perdues au bureau à cause d'une mise à jour un peu longue, suivie d'un redémarrage très long lui aussi.
J'encouragerai bien les patrons d'entreprises à facturer à Microsoft, les heures chaumées à cause d'un ordinateur non disponible.
Cette obligation agasse les DI (Directeurs Informatiques) qui voient les postes devenir incontrôlables. D'autant plus que les pannes inhérentes aux mises à jour sont nombreuses. Normalement une équipe informatique bien organisée fait toujours des tests sur le matériel dans le contexte de l'entreprise avant de diffuser une mise à jour. Ces précautions ne peuvent plus être prises. Et comme je vous lai dit plus haut les bugs sont nombreux et graves. Comme ce bug qui a fait perdre les données personnelles inscrites sur certaines machines mise à jour.

_Il n'est pas interdit de penser qu'un jour un bug majeur de mise à jour paralysera la moitié des ordinateurs Windows de la planète.
Je vous laisse imaginer les conséquences au niveau des contrôles de centrales électriques, des voyages en avion, de l'alimentation des villes et des sociétés en flux tendus, et je ne donne ici que quelques exemples.

/2. Dans un autre registre, un autre problème pourrait apparaître à un niveau mondial et systémique, c'est le risque du contrôle des ordinateurs sous MS Windows par des tiers, ou par l'état américain (!!!), ou Microsoft lui même via un virus comme Petya.
Non seulement le cas c'est déjà présenté et heureusement n'a pas impacté un "trop" grand nombre de machines, mais suffisamment pour faire peur. Je vous renvoie vers mon billet : petya.
Nous ne sommes toujours pas à l'abri de tels incidents. Et les anti-virus n'y changeront rien.

Mais, ce que je vous dis là est déjà la réalité. Connaissez-vous l'existence de réseau d'ordinateurs "zombifiés" par des virus, qui sont prêts à obéir aux ordres des pirates qui les contrôlent. Ces réseaux s'appellent des "BotNets", réunissent des milliers d'ordinateurs et participent aux attaques orchestrés en direction des états, des sociétés, des institutions.

Ces pirates vendent très cher leurs réseaux de "BotNets".
Le business engendré est très conséquent.

Sans le savoir votre brave ordinateur sur son coin de bureau est en train de participer à l'attaque de la Maison Blanche par la Corée du Nord.

Allez, une petite pause. Je vais vous laissez apprécier cette belle carte dynamique et interactive en temps réel des attaques en cours sur la planète.
Incroyable ! Vous n'en croyez pas vos yeux ! C'est pourtant la réalité. La cyberguerre est déjà d'actualité. Si ça se trouve, vous y participer sans le savoir. Et vous en avez déjà ressentit les effets ou entendu parler, quand : un journal Internet de TV ou de presse ne fonctionne plus, ou un service d'état est indisponible, etc...

Bon vous êtes revenu me voir...
Je n'ai pas terminé !

4 Quels sont les risques ?

Les risques que l'on prend à utiliser un même écosystème sont amplifiés par la fragilité de celui-ci.
En effet la qualité du développement et la rigueur pour le moins légère, dictée par le marketing plus que par les ingénieurs, à conduit MS Windows à présenter de nombreuses failles. Quand celles-ci ne sont pas directement et volontairement introduites pour permettre un certain contrôle (v. affaire Stuxnet, WannaCry ou Petya).
Il n'est pas non plus complètement paranoïaque de ma part d'imaginer, que les mises à jour rendues obligatoires, je me répète, puissent permettre l'introduction à tout moment d'un outil de contrôle de la part des forces armées américaines pour obtenir une arme décisive dans un contexte de guerre froide par exemple.
La question n'est pas tant : " Le font-ils ?", mais : "Peuvent-ils le faire ?"

Nous Européens sommes bien naïfs ou faibles ou veules, pour accepter de ne pas gagner en indépendance du côté des outils informatiques.
À quel point nous mettons nous dépendant d'une grosse puissance industrialo-militaro-économique devenue incontrôlable avec l'élection d'un populiste climato-sceptique bipolaire.
Ne serait-il pas grand temps que nous européens prenions notre liberté numérique en main ?

Je crois que nos politiques ne saisissent pas l'ampleur de notre fragilité en ce domaine. Ils continuent de réfléchir, certes sous le poids conséquent des lobbies, comme "les protégés" d'une Amérique bienveillante et sécurisante.
Nous sommes mis à la merci des changements d'opinion d'un dirigeant mégalo et irresponsable.

...

5/ Qui est responsable ?

Nous tous !
- L'utilisateur qui refuse ou a peur de remettre en cause son expérience "outil informatique".
- Les vendeurs qui surfent sur le phénomène MS Windows et son "obsolescence programmée", générant un renouvellement plus fréquent des machines.
- Les fabricants de PC qui acceptent le deal imposé par le tout puissant Microsoft.
- Les fabricants de périphériques qui réduisent les plateformes acceptant leur matériel.
- Les éditeurs de logiciels qui se contentent d'écrire leurs programmes pour un seul système.
- Les sociétés de services qui peuvent du coup réduire le niveau de compétence de leurs équipes de support.
- Nos états... Pour plusieurs raisons :

* Par l'incompétences de nos politiques à ne pas voir que nous perdons notre souveraineté vis à vis d'un état autoritaire et dominateur (v. l'accord Microsoft / éducation nationale).
* Par la veulerie de nos services de sécurité (GCHQ, MI5, DGSI, etc...) à participer et utiliser les outils informatiques mis au point par les services américains : NSA, FBI, etc... (v. contrat commercial entre Microsoft et les armées).
* Par la faillite de nos systèmes judiciaires à faire respecter les lois sur le principe d'interdiction des ventes liées (v. vente liée).

6/ Que faudrait-il faire ?

Je ne peux pas avoir la prétention de détenir LA Vérité et LA Solution, mais il me semble évident que nous libérer des liens d'avec les sociétés de l'IT américaines est nécessaire.

Tout d'abord, il nous faudrait, nous européens, définir un écosystème informatique indépendant.
Ceci peut représenter une charge de travail colossale, sauf si l'on s'appuie sur ce qui est déjà fait, c'est à dire le "Logiciel Libre" et "GNU/Linux" évidemment.
C'est ce qu'ont fait Apple, au retour de Steve Jobs, pour rebâtir MacOS et s''appuyant sur "FreeBSD", et Google pour produire Android.

Laisser le marché décider quelle plateforme GNU/Linux serait la meilleure serait trop chronophage et financièrement hasardeux.

a/ Il faut une intervention forte des états d'Europe, pour imposer un plateforme informatique pour l'Europe, propre à rassurer les acteurs des domaines informatique et industriel.
b/ Une fois cette plateforme définie, ce qui peut-être très rapide, les états peuvent imposer aux sociétés de développer une version de leurs logiciels compatible avec cet environnement. C'est là par contre, un travail plus conséquent donc plus long.
c/ Même obligation pour les fabricants de périphériques qui devraient, pour pouvoir vendre sur le marché européen, de systématiquement proposer les pilotes nécessaires au bon fonctionnement de leur matériel sur cette plateforme.
d/ Les sociétés de service en informatique devraient former leurs ingénieurs et techniciens aux différents systèmes. Et ceci ne serait pas un mal, quand on voit la pauvreté des compétences des intervenants de la plupart des SSII œuvrant dans le milieu.

Notez que je n’interdis pas l'idée, de vendre des systèmes MS Windows ou Apple MacOS, bien au contraire, car je suis convaincu de la nécessité de multiplier les écosystèmes pour se rendre moins dépendant des risques inhérents aux virus, aux attaques et aux bugs informatiques.

6/ Résumés et conclusions

* Notre environnement informatique de production actuel est très fragile, car quasiment basé sur une seule et unique plateforme : ~90% du marché détenus par un acteur : Microsoft (J'exclue les terminaux de consultation : smartphones et tablettes.)
* Cet environnement est quasi exclusivement États-uniens, et nous met à la merci d'un pays en pleine perte de valeur.

Il nous faut gagner en indépendance et en souveraineté.
Il est nécessaire de multiplier les environnements pour nous affranchir d'un risque systémique de perte de contrôle d'un système informatique unique.

En choisissant de travailler avec un environnement libre GNU/Linux et en adoptant les logiciels libres :

* nous permettons la diffusion de cet écosystème,
* renforçons la multiplicité des acteurs et des compétences,
* envoyons des signaux aux acteurs de l'informatique, sur l'intérêt porté à cette plateforme,
* pérennisons les outils déjà en place,
* Sécurisons le monde de l'informatique.

Il y a toutefois un prix à payer à ces efforts, ils ne se mesurent pas en monnaie sonnante et trébuchante (bien au contraire !), mais en temps consacré à nous dés-habituer de nos anciennes expériences, en volontés de rechercher nos nouveaux outils au delà des propositions commerciales, en recherche de nouveaux supports, etc...
Les avantages apparaissent petit à petit, et ils sont nombreux :

* réduction du coût de possession de nos outils informatiques,
* durée de vie accrue de nos appareils (obsolescence programmée réduite à néant),
* réduction du pistage de nos activités,
* des-aliénation du joug imposé par les grandes sociétés informatiques.

Le Libre contribue à notre Liberté !

Serge Pintout